Une terre d’ombre
Ron Rash
Trad. de l’américain par Isabelle Reinharez
Seuil, « Cadre vert », 2014
Il serait dans une obscurité dont on ne pouvait s'échapper et, pire encore, dans un lieu d'infini silence. Pour toujours.
Laurel et son frère Hank habitent un vallon désolée au fin fond des Etats-Unis. Hank est revenu de la Première Guerre Mondiale avec une main en moins. Ils recueillent Walter, un homme muet errant dans le bois, musicien de génie, qui les aide à remettre leur ferme sur pied. La guerre touche à sa fin, mais l’ambiance reste lourde de menaces envers les villageois trop proches des allemands.
Dans la noirceur d’un paysage désolé, le lecteur est lentement happé par une écriture d’une densité dramatique et poétique peu commune. Laurel et Hank ont perdu leurs parents. La vie ne leur a fait aucun cadeau. Laurel, affligée d’une tache de naissance, est traitée en paria par tous les autres habitants. Elle habite au fond du vallon, c’est une sorcière. Hank, revenu en héros de la guerre, bénéficie de regards plus cléments. Arrive Walter, cet homme mystérieux et muet, qui tait son histoire et ne rentre pas en contact avec le reste de la communauté mais accepte et aime Laurel telle qu’elle est.
Ce récit, par son ambiance, ressemble à une parenthèse hors du temps. Le monde est en attente de la fin de la guerre, mais la tension reste palpable. La communauté poursuit les « espions » à la solde des allemands, en font baver aux hommes qui ne sont pas partis à la guerre. Chacun a quelque chose à prouver : il faut démontrer qu’on n’est pas un lâche. Que ce soit évident, grâce aux marques que laissent des blessures profondes, ou parfaitement ostentatoire, comme le port de l’uniforme, les grands discours et les cérémonies.
Au milieu de tout ça naît une histoire d’amour poignante et tragique. C’est une note d’espoir, un rayon de lumière dans l’obscurité du vallon. Les mots sont doux et dénués de tout pathos pour décrire la dureté de ces vies. C’est le ton blasé du destin qui sait que tout est écrit mais qui n’en est pas moins ému de nous le raconter.Tout cela se joue au son de la flûte de Walter, qui exprime plus que les mots et véhicule les émotions les plus tendres et tristes.
Un moment de lecture profond et très poétique.
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ton billet est juste très délicat et fort bien écrit, et il me donne envie, alors que ce n’est pas du tout mon genre d’histoires à priori. je note donc sur une page de carnet « beaux romans qui pourraient faire de chouettes cadeaux ».
Merci beaucoup pour ce commentaire!